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15 Avril 2022
Une chronique de Richard
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, le titre a une certaine importance dans le choix d’un livre. Alors avec ce titre abyssal, « Le trou », je n’avais pas beaucoup d’attirance pour ce roman de l’Islandaise
Seul mon intérêt pour la littérature de cette île très littéraire du nord de la Scandinavie m’a donné l’élan pour l’ouvrir et découvrir quel était donc l’objet ou la personne que cachait ce trou.
Une chance ! J’ai adoré !
C’est dans « Absolution » que j’avais rencontré l’inspecteur Huldar, sa cheffe Erla, son collègue Gudlaugur et la psychologue pour enfants, Freya. Un quatuor intéressant, personnages attachants ayant tous un petit côté déviant. Lina, la première stagiaire de la brigade, étudiante en sciences criminelles, se greffe à cette équipe et pas nécessairement de la bonne façon. Admettons qu’elle sait se mettre tous ses collègues à dos. Malgré qu’Huldar semble prendre un certain plaisir à la regarder évoluer. Mais, parole de lecteur, cette jeune stagiaire qui ose pavaner avec son diplôme et ses connaissances livresques, ajoutera beaucoup de piquant au travail de l’équipe. Pourra-t-elle faire sa place ? À voir !
La brigade est appelée sur les lieux d’un possible suicide. L’homme est pendu dans un champ de lave, lieu historique d’exécution du passé colonial de l’Islande; il est suspendu entre deux rochers. Très rapidement, les policiers se rendent compte que c’est un meurtre, un bout de papier est cloué sur la poitrine de la victime. Vite, il faut enlever le corps sans prendre trop de précautions, la scène de crime (très théâtrale) était visible de la résidence présidentielle où arrivait une délégation du ministre chinois des Affaires étrangères. La vue d’un corps suspendu ne faisait pas partie du protocole d’accueil !
Freyja, la psychologue, se rend dans une maison d’un quartier chic de Reykjavik où on a signalé la présence d’un jeune enfant, laissé seul. Il ne connait pas cet appartement, ne sait pas depuis combien de temps il y est et ni le nom de l’homme qui l’a amené, ici. Il n’a aucune idée où sont ses parents, il dit s’appeler Sigi et ne se rappelle que les diminutifs des noms de ses parents.
La confusion est totale quand on sonne à la porte. L’inspecteur Huldar, aussi surpris que Freya, est là parce que cet appartement appartient à la victime du meurtre.
Évidemment, tout lecteur de polars suppose que les deux événements sont sûrement liés. L’enquête sera donc à deux volets: qui a exécuté le pendu du « rocher de la Potence » et que faisait cet enfant, seul, chez la victime.
Très rapidement, l’enquête démontre que la victime de la pendaison n’est pas une aussi bonne personne qu’elle le paraissait. Les policiers trouvrent de nombreux vidéos où la victime se met en scène en ayant des rapports sexuels non consentis avec de jeunes femmes droguées. Évidemment, cette nouvelle information donne à l’enquête une tournure différente qui nous fera découvrir le côté sombre d’une certaine catégorie d’hommes qui cachent des activités dégradantes.
Comme dans tout bon polar islandais, il faut s’attendre à une atmosphère un peu glauque, une noirceur qui alimente le côté sombre de l’homme pervers. Yrsa Sigurdardottir rejoint dans ce genre ses talentueux confrères et consoeurs d’écriture, Arnaldur Indridason, Ragnar Jonasson, Lilja Sigurdardottir et Arni Thorarinsson. Une brochette de talent incroyable dans un petit marché comme l’Islande. Ouvrir un roman de ces auteurs et autrices, c’est découvrir l’âme humaine, ses côtés inquiétants, dans des paysages uniques de froideur et de lave refroidie. « Le trou » n’y fait pas exception !
Ce roman est le 4e de la série mettant en scène l’inspecteur Huldar et la psychologue pour enfants, Freya. Inutile d’avoir lu les trois premiers pour apprécier l’histoire et la psychologie des personnages. Bien sûr, on se rendra compte de l’attirance entre les deux personnages qui ne s’expriment que par des subtilités savamment imperceptibles. J’imagine que cela fait partie du charme de cette série.
Alors, pour vous amateurs et amatrices de polar, je vous recommande ce huitième roman d’Yrsa Sigurdardottir. Une bonne lecture, pas trop déprimante, une touche d’humour, une bonne enquête à volets multiples et une écriture fluide qui coule comme de la neige fondue au printemps.
Extrait :
« Le seul homme qu’elle avait réussi à ensorceler, ces derniers temps, c’était Huldar. Malheureusement, ils fonctionnaient comme les cubes du jeu électronique Tetris. Horizontalement, ils s’emboîtaient parfaitement. Verticalement, ça n’allait jamais. »
Et dans une salle de sport : « Quelques-uns s’étiraient dans tous les sens devant un mur miroir. Ils se contorsionnaient pour trouver des zones encore concaves sur leurs silhouettes convexes. »
Bonne lecture !
Le trou
Yrsa Sigurdardottir
Éditions Actes Sud
Collection Actes noirs
2022
335 pages