10 Mars 2022
Une chronique de Christelle Lison
Chrystine Brouillet n’a nul besoin de présentation. Tout le monde connaît la Reine du polar québécois. En 2021, la prolifique autrice s’attaque à un sujet d’envergure, celui des femmes victimes d’agressions sexuelles, à travers son roman Sa parole contre la mienne.
Publié aux éditions Druide, ce roman de Chrystine Brouillet est un pavé de 432 pages au cours desquelles vous serez emporté dans l’univers de Faye, Doris, Myriam, Jacques, Nelson, Clovis et Derry. Ce sont les principaux personnages dont les destinées, les histoires et les époques se croisent.
Tout commence en 2017… mais en fait remonte jusqu’en 1982. Quatre jeunes hommes font partie du même groupe d’amis : Jacques Gervais, Clovis Marceau, Nelson Morin et Derry Walsh. Pourtant, peu de choses semblent les lier. Ils font la fête, quelques bêtises jusqu’à ce que l’un d’eux ne puisse plus vivre comme ça, parce que les choses sont allées trop loin, beaucoup trop loin.
Entre Québec et Montréal, chacun trouve plus ou moins sa place dans la vie. Mais comment peut-on vivre quand on est victime d’un viol collectif? Comment vit-on en pensant avoir commis un acte abominable? Comment fait-on pour porter un enfant quand son père nous inspire juste de la haine et du dégoût? Comment se débrouille-t-on pour protéger les personnes qu’on aime face à des vedettes que tout le monde adule? Et comment, en tant que journaliste, amène-t-on des femmes à oser parler? À oser dénoncer? À ne plus avoir honte d’avoir été agressée? À faire passer la honte du côté de l’agresseur? Dans Sa parole contre la mienne, les histoires s’entremêlent sur fond de famille riche, de motards, de psychopathe, d’hommes connus et adulés, de filles maltraitées… « Quel vilain secret unissait un notable apparemment bien sous tous rapports et un délinquant à la solde des motards? » (p. 250)
Dans ce roman, c’est Myriam, une jeune journaliste, qui mène l’enquête. Tout commence lorsque sa colocataire lui confie qu’elle a été victime d’un animateur vedette, Jacques Gervais. « C’est la colère qui me pousse à dénoncer Gervais. Je dois l’entretenir pour ne pas reculer. Je ne sais pas ce que je ferai ensuite. » (p. 111) Outrée, Myriam décide alors de dévoiler au grand jour les agressions commises par celui-ci. Mais cette enquête ne sera pas aussi facile que ce que la jeune femme avait pu imaginer. De fil en aiguille, elle découvre une histoire bien plus sordide dont elle est en partie la victime sans le savoir.
Au fil des pages, Chrystine Brouillet nous amène à nous demander si toute vérité est bonne à dire… Risquons-nous parfois d’entraîner des conséquences que l’on n’est pas prêt à assumer? « Doris hocha la tête, excellent sujet, loin des violences sexuelles, de ces dénonciations qui la mettaient si mal à l’aise par rapport à Myriam. Et qui lui avaient causé de l’insomnie ces derniers jours : et si les journalistes qui avaient découvert toutes ces victimes du producteur s’intéressaient à d’autres hommes? » (p. 339)
Avec ce roman, l’autrice de renom nous pousse à la réflexion, à questionner ce que nous avons, parfois consciemment parfois inconsciemment, cautionné. Elle nous permet également de ressentir les émotions des victimes, mais aussi des agresseurs. Que serions-nous prêt à faire pour garder nos secrets? Ce roman, plus psychologique que policier, donne de l’espoir. Il nous rappelle qu’il n’est jamais trop tard et que notre passé n’est pas garant de notre avenir. Chacune et chacun a le pouvoir de changer les choses pour faire en sorte que collectivement nous vivions mieux et que #MeTo ne soit pas finalement plus nécessaire!
Bonne lecture !
Sa parole contre la mienne
Chrystine Brouillet
Éditions Druide
2021