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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

L’ébouriffée ou quand mes cheveux s’en mêlent…

L’ébouriffée ou quand mes cheveux s’en mêlent…

Une chronique de Sophie-Luce Morin

Écrit et illustré par Nathalie Dion, « L’ébouriffée ou quand mes cheveux s’en mêlent… » est paru l’automne dernier aux éditions Dominique et compagnie. Cet album est finaliste du Prix jeunesse des libraires du Québec 2022 dans la catégorie 0 – 5 ans. Dans une économie de mots, Nathalie Dion nous raconte l’histoire d’une enfant qui déteste ses cheveux comme d’autres abhorrent leur nez, leurs oreilles ou la forme de leurs gros orteils.

Le titre à lui seul, ce petit jeu de mots homophonique, ne manque pas de faire sourire. Il donne d’emblée l’angle sous lequel les problématiques abordées seront traitées : exagération, optimisme, poésie et humour. Même le prénom du personnage, Malie, pourrait être confondu avec « mêlée ».

Les illustrations, où les motifs et le jaune lumineux dominent, insufflent la joie et des jours meilleurs, malgré le ciel pluvieux. Le jaune, c’est aussi la couleur des cheveux de Malie, qui prend toute la place et s’étale même en double page la majorité du temps. Au point où il est permis de croire que la chevelure de Malie est un personnage à elle seule ; une antagoniste à part entière que la gamine doit combattre, dresser, contrôler. Le vocabulaire utilisé en dit long sur l’état d’esprit et les émotions envahissantes qui habitent la fillette : déteste, incontrôlable, contrariée, malheur, tignasse, désastre, crinière rebelle, frustré ou écrasée.

Malie ne parvient pas à dompter sa chevelure. D’entrée de jeu, elle nous raconte le sentiment de découragement qui la submerge ; au point de lui donner envie de rester chez elle tapie dans son placard. Heureusement, sa mère ne l’entend pas ainsi. Elle confie à sa fille une liste de courses à faire longue comme de Montréal à Tokyo. L’aventure de Malie commence (ou recommence, parce qu’on suppose que ce n’est pas la première fois qu’elle vit tous les désagréments occasionnés par le fait d’avoir une tignasse aussi volumineuse et voyante !). La finale amène notre protagoniste à réaliser que sa crinière rebelle, comme elle la qualifie, ne lui attire pas que des ennuis, mais également la rencontre de toute une joyeuse marmaille.

On l’aura deviné, cet album aborde l’estime de soi, l’apparence du corps et la manière de conjuguer avec nos différences. La chevelure de Malie peut par ailleurs être envisagée comme une métaphore des émotions désagréables et intenses qui habitent la petite fille incapable de contrôler ses boucles revêches. On suppose encore qu’elle est bien la seule à se voir avec une telle crinière. Cette tête, que Malie traîne comme un boulet, a d’ailleurs bien fait rire Aline (4 ans) quand je lui ai raconté l’histoire : elle n’avait jamais vu pareille chevelure !

Je me suis demandé si cette panoplie d’émotions était véritablement liée aux cheveux de la fillette et au fait de ressortir du lot. Ne pourrait-il pas se camoufler à travers ces frisettes rebelles une tout autre histoire  de harcèlement ou que sais-je ? On peut interpréter cet album de plus d’une manière, et c’est ce qui en fait un livre qui ressort du lot : il invite les lecteurs à parler de ce qu’ils vivent eux-mêmes.

Autrement, j’ai aimé que ce soit la maman qui pousse sa fille à confronter ses démons. C’est une belle image de bienveillance. Si Malie s’était repliée sur elle-même, elle aurait raté une chance inouïe de faire de belles rencontres. Et on le sait, l’humain grandit en relation avec l’autre.

L’histoire est écrite en peu de mots, et même sans texte, il est aisé de la raconter. C’est dire à quel point les illustrations de la créatrice parlent d’elles-mêmes !

Je conclus ce billet avec une question : faut-il dompter ses démons ou tout simplement les laisser nous prendre ? En méditation de pleine conscience, le meilleur moyen d’atténuer l’intensité d’une émotion accaparante et d’apprendre à conjuguer avec, c’est de la laisser s’exprimer. C’est sans doute une voie privilégiée à emprunter pour accepter ses travers : en les embrassant à bras-le-corps. C’est ce que cet album peut aussi enseigner aux petits lecteurs.

« L’ébouriffée ou quand mes cheveux s’en mêlent… » : un album à ajouter à votre liste de livres à lire absolument !

Bonne lecture !

 

L’ébouriffée ou quand mes cheveux s’en mêlent…

Nathalie Dion

Éditions Dominique et compagnie

2021

 

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