16 Février 2021
Une chronique de Richard
En ces temps un peu moroses, même le lecteur de polars, habitué aux enquêtes sur des meurtres sordides ou encore aux descriptions glauques et noires d’une société en perte d’humanité, oui, même ces lecteurs friands de drames humains, ont besoin de moments où le rire prédomine, où la comédie prend la place de la tragédie.
Devant ce besoin d’un peu de drôlerie mais toujours avec une pointe de romans noirs, j’ai consulté mon libraire préféré et la suggestion est venue très rapidement : il faut lire « Mamie Luger » de Benoit Philippon. Ne connaissant pas cet auteur, j’ai fait un peu de recherche, pour voir sa biographie et jeter un coup d’œil sur sa production. Trouvant peu de choses, j’ai quand même vu que l’auteur a grandi en Côte d’Ivoire et aux Antilles, qu’il exerçait les métiers de scénariste et de réalisateur au cinéma et que maintenant il vivait en alternance entre la France et le Canada. Ça devenait assez intrigant pour exciter ma curiosité.
Je commande donc le livre et attends son arrivée avec un petit peu d’impatience (ben oui, à cause de la Covid !!!!). J’avoue qu’à sa réception j’ai été un peu déçu par la page couverture : noir et blanc assez terne, personnage d’une grand-mère couronnée de bigoudis, bottes de pluie et carabine encore fumante. Mais dès les premières pages, le contraste devient évident. De la couleur, Mamie en a … et plus que bien d’autres. Et attention, elle possède tout un caractère. Comme son créateur, elle gagne à être connu car si Benoit Philippon nous offre cette qualité de roman, il deviendra rapidement un de mes préférés.
Alors, sans plus attendre, allons donc rencontrer cette Mamie Luger !
Il est 6 heures du matin. Berthe, 102 ans, vient de donner un coup de main à des jeunes qui se sauvent de la police. Ils ont besoin de deux choses : une auto et du temps. La vieille Mamie accepte de leur procurer les deux. Elle les aide à voler l’auto de son voisin et comme il proteste un peu, elle lui tire quelques coups de carabine dans le fessier pour le calmer. Évidemment, ça a alerté les policiers qui rappliquent. Mamie Berthe se cache alors dans sa maison et s’affaire à terminer sa camomille qui malheureusement avait refroidi.
Forte de ses 38 kilos, la mamie essaie de barricader la porte. Mais les agents de la paix foncent dans la maison à grands coups de bélier. Impolis, la vieille dame leur reproche de ne pas avoir essuyé leurs pieds avant d’entrer. Le plaisir commence alors, pour les enquêteurs.
8 heures 15, Berthe se retrouve au poste des police dans la salle réservée aux enquêtes. Le policier qui l’interroge se nomme André Ventura … et tout au long de l’interrogatoire, elle s’évertuera à l’appeler Lino. Comme l’acteur !
Alors commence un très long interrogatoire qui retracera la vie tumultueuse ( et analyser bien ce dernier mot qui comporte la finale « tueuse »). Au grand déplaisir de l’enquêteur, la gentille grand-mère racontera toute sa vie, ses mariages, ses amours, ses divorces, ses aventures et les hommes qu’elle a rencontrés … pour leur plus grand malheur !
Mamie Luger est née en 1914 au tout début de la première guerre mondiale. Élevée par sa grand-mère qui fabriquait un alcool d’enfer dans le sous-sol de la maison. Déjà veuve pendant la deuxième guerre , elle a connu un moment difficile avec un jeune allemand; oui, un moment difficile pour le jeune allemand ! C’est ainsi que, faute de propriétaire, elle a hérité de son arme nazie, un Luger qui lui a valu, également son surnom.
Et ça ne fait que commencer ! Mamie Luger tiendra en haleine le pauvre enquêteur et tous les lecteurs de ce formidable roman. Histoires rocambolesques, réparties exquises, candeur volontaire et description toute en innocence de ses multiples gestes coupables. Nous rencontrerons Lucien, Luther, Luigi, Marcel, Norbert, Baptiste, Thimotée, tous des hommes qui ont passé dans la vie de la belle Berthe et qui y ont trouvé un certain refuge, pour un certain temps et peut-être même pour plus longtemps. Très rapidement, on se rendra compte que l’alambic de la grand-mère ne sera plus jamais seul dans son sous-sol aux usages mortuaires.
Vous êtes à la recherche d’un bon roman divertissant et amusant ? Je vous conseille cette histoire d’une centenaire qui a vécu pleinement sa vie. Sa jeunesse où elle faisait tourner les têtes, jusqu’à ce jour de sa 102 année où elle fait damner l’enquêteur chargé de l’interroger. Plaisirs de lecture garantis, rires et sourires aussi. Et une finale …. Je n’en dis pas plus !
Merci à Mamie Luger d’avoir réussi ce tour de force d’avoir mis un peu de folie dans cette période pas mal tristounette ! Et je laisse ce message à son créateur, Benoit Philippon, n’attendez pas une prochaine pandémie pour nous donner un autre vaccin littéraire de cette sorte.
Bonne lecture !
Mamie Luger
Benoit Philippon
Éditions Equinox
Guy Saint-Jean éditeur
2018
367 pages