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8 Novembre 2020
Ixe-13, l’as des espions canadiens.
Une chronique de Richard
J’adore découvrir de nouveaux auteurs ! Rencontrer des imaginaires nouveaux, des styles revisités, des façons d’écrire différentes et des personnages aux caractères singuliers et contrastés. Lire un auteur pour une première fois, c’est entrer dans un monde où tous les impossibles sont possibles et où la surprise, bonne ou mauvaise, est au rendez-vous. En plus, lire un premier roman, c’est comme déposer une pierre sur un édifice déjà habité, c’est voir l’évolution de la littérature au moment où on lit.
Cette fois-ci, j’ai eu la chance de lire un auteur que j’avais déjà rencontré sur mon chemin, au siècle dernier. Au détour de la découverte d’un petit feuillet de 32 pages, trouvé dans une librairie d’occasion. Ma réaction du temps ? Je ne m’en souviens plus. Mais aujourd’hui, grâce aux éditions de l’Homme qui ont eu la bonne idée de ré-éditer « Les aventures étranges de l’agent IXE-13 », j’ai pu me retremper dans cette littérature d’une autre époque, une littérature quand même marquante qui a tracé la voie d’une certaine façon au polar québécois.
Tout d’abord, situons un peu l’auteur, Pierre Saurel, pseudonyme du comédien Pierre Daigneault. Autant trahir mon âge tout de suite, il a été longtemps le personnage du Père Ovide dans Les Belles histoires des pays d’en haut, le fameux rapporteur officiel de Séraphin. Encore pire, il a été l’animateur des soirées À la canadienne où les chansons et les danses folkloriques étaient à l’honneur.
Mais entre son métier de comédien et d’animateur, il a été un écrivain prolifique, avec un
imaginaire intarissable et une plume hyperactive. Pierre Saurel était le Georges Simenon québécois. Quelques chiffres …
Pendant une vingtaine d’années, il a écrit 934 fascicules de 32 pages relatant les aventures de son espion canadien. Après des recherches sur les pays et les endroits que son espion fréquentait, il écrivait son histoire en dix heures. Et chacun de ses fascicules, vendus 10 sous à l’époque, avait un tirage entre 20 et 30 000 exemplaires par semaine. Tenez-vous bien, cela fait au total plus de 20 millions d’exemplaires vendus pendant la vingtaine d’années de publication.
Ce serait déjà un phénomène à lui seul, mais il faut dire qu’après IXE-13, Pierre Saurel a écrit plus de 970 histoires de son policier Albert Brien et 46 romans ayant comme héros « Le manchot », cet ancien policier devenu détective privé. Impressionnant !
Mais revenons à notre espion canadien … IXE-13, de son vrai nom Jean Thibault, est recruté par les Services secrets. Ses connaissances en aéronautique et en sous-marin, le fait qu’il parle couramment français, anglais et allemand, qu’il se débrouille en italien et en espagnol, font de lui un candidat idéal. Il deviendra IXE-13 et non X-13 pour mystifier les ennemis qui pourraient s’y tromper.
Dans ses premières aventures, il rencontrera deux personnes qui deviendront ses complices au fil de ses missions.
Marius Lamouche, un colosse marseillais qui deviendra le complice de presque toutes ses aventures. Puis, la belle Gisèle Tuboeuf, une espionne française qui deviendra, au fil des missions, l’amoureuse d’IXE-13 malgré le fait que « …un agent secret n’a pas le droit de tomber amoureux. Il se doit tout entier à sa patrie. » Bienvenue dans les années 1940 !
Notre espion, précurseur d’un certain James Bond, avait des principes moraux bien de son époque. Imagineriez-vous 007 mettre son pyjama, s’agenouiller près de son lit et faire sa prière avant de s’endormir ? Au fil de ses missions, toutes plus périlleuses les unes que les autres, vous apprendrez à connaitre ce héros, sans peur, toujours prêt à mettre sa vie en danger pour sauver son pays. Les ennemis, dans ces deux premiers tomes, sont surtout allemands et italiens. Les pays qui sont le théâtre de ses exploits sont variés :
Londres où est basé le QG des services secrets des Alliés, l’Allemagne et ses camps de concentration, l’Italie contre les troupes du Duce, le Maroc, les zones occupées ou non de la France, et même, un séjour en Gaspésie ….
De l’action, il y en a, chaque histoire possède son lot de revirements et une finale toujours à la gloire de notre héros. En 32 pages, il est évident que nous ne retrouverons pas des descriptions détaillées des lieux où se passe les histoires. Car l’important demeure l’action ! IXE-13 a toujours un plan, il est droit, authentique, fidèle à son pays, à ses amis. Il est de temps en temps, un peu suffisant mais ça fait partie du personnage. Nous sommes en 1940, avec les mœurs du temps.
Ce qui était normal à cette époque, devient facilement des clichés à la lumière d’une lecture d’aujourd’hui. Marius, le Marseillais y va de ses "Peuchère" comme tout bon Marseillais, les hommes sont « grands et forts », les femmes sont belles, mignonnes et minuscules, un Japonais peut facilement se faire passer pour un Chinois et les méchants allemands sont tous très méchants mais un peu stupides. Notre héros les emberlificote assez facilement. Et les qualificatifs donnés à IXE-13 sont dithyrambiques.
En plus, comme pour être certain que le lecteur s’accroche à l’histoire, l’auteur, à chaque fin de chapitre, pose des questions pour alimenter le suspense, anticipe ce qui pourrait arriver … ce qui donne parfois le goût de sourire. Mais après un ou deux textes, on s’y habitue et on aborde ces éléments comme faisant partie d’un contexte historique et littéraire des années d’après-guerre.
Mais les histoires sont bonnes et malgré le fait que l’on sait que les bons gagneront toujours sur les méchants, l’intérêt repose sur l’ingéniosité des plans de notre espion. L’écriture est simple, très factuelle mais le suspense est conservé jusqu’à la fin. Le lecteur est happé par l’histoire et son déroulement. En bref, en 32 pages, on lit une bonne histoire et on y prend plaisir.
Dernière chose à souligner, la maison d’édition a décidé de conserver la présentation des « nouvelles » en intégrant les pages couvertures originales. On peut donc admirer l’effet très noir américain des dessins du peintre Jacques L’Archevêque qui a illustré les fascicules de cette série.
Alors, si vous avez le goût de voir et de lire les premières œuvres littéraires, précurseurs de nos polars, thrillers et romans d’espionnage modernes, ces deux tomes des enquêtes de notre premier espion de fiction, vous transporteront dans un univers différent avec une valeur historique certaine. Ces 13 nouvelles vous offriront un divertissement … d’un autre temps mais un plaisir de lire bien actuel !
Bonne lecture !
Les aventures étranges de l’agent IXE-13
L’as des espions canadiens
Tome 1 et 2
Pierre Saurel
Les éditions de l’homme
2020
Si vous désirez en connaitre plus sur Pierre Daigneault, l'auteur, le comédien, le chanteur et l'animateur de soirées folkloriques, je vous invite à regarder la biographie de ce phénomène d'écrivain. À voir, ci-dessous ...
Un documentaire fascinant sur la vie de cet homme-orchestre ...