20 Août 2020
On ne plaisante pas avec l’histoire du peuple corse, c’est leur langue, leur identité, la gloire de la minorité.
Mars 2019, à l’aube d’un printemps bien ordinaire, insouciant, sans pensée de maladie pandémique ou de virus maléfique, je me suis lancé dans une lecture déjantée et merveilleuse, dans une fable où les mots et les gestes cachaient des vérités et quelques mensonges sur notre monde de consommation excessive. Un premier roman qui surprenait, qui bouleversait et qui, en même temps, nous faisait réfléchir. Malgré sa thématique de transformation physique, de métamorphose à la Kafka mais en plus joyeux, l’amitié était au cœur de ce roman « pas comme les autres ».
En conclusion de ma chronique sur Polar, noir et blanc, je disais : « Mollusque, ce premier roman, est annonciateur de grandes choses pour cette auteure qui est capable de nous surprendre avec cette histoire. Je suis certain, en regardant son talent, que son deuxième roman saura aussi, nous étonner. »
Est-ce que Cécilia Castelli saurait nous offrir un deuxième roman à la hauteur du premier ? Voilà une réponse facile, très simple : « Frères Soleil » le deuxième roman de Cécilia Castelli dépasse largement les attentes créées par le succès de son premier roman. Et surtout, ne cherchez pas de ressemblances entre ses deux romans ; la seule constante, c’est l’immense talent de l’autrice.
D’un premier roman qui présentait les beautés de l’amitié, « Frères Soleil » est un hymne à la fraternité. Et un poème aux beautés de la Corse. Mais également, sans que l’on puisse faire des liens délibérés, pour le Québécois en mal d’autodétermination, la Corse revêt des similitudes avec nos aspirations d’indépendance. Les Frères Soleil ne sont pas loin du cœur des Frères de neige. Alors, allons rendre visite à nos frères corses.
À chaque début d’été, Rémi et sa mère prennent le traversier dans leur petite Lada verte en rêvant, enfin, au retour à leur véritable maison. Sur l’île. Comme un rituel annuel pour fêter la belle saison, ils accostent à Ajacio ; la Corse est belle, accueillante et elle leur parle. L’été peut commencer.
Dans la baie de Cupabia, la famille les attend. Rémi, le plus jeune, ressent l’excitation de revoir ses cousins, Baptiste et Christophe qu’il admire et vénère. Secrètement ! La tente est montée à côté de la caravane. Alors, dans l’insolence la plus innocente, la grande vie estivale peut commencer. Jeux, pêche, chasse aux reptiles, découvertes, expériences, le monde, les richesses, la faune et la flore de la Corse sont au programme du cursus estival. L’objectif, apprendre à ne pas devenir adulte.
Mais derrière cette insouciance se cachent les secrets de famille, les passés qu’on veut occulter, mais qui persistent dans nos souvenirs indicibles. L’été, on n’évoquait pas les drames du passé même si tante Gabrielle y pensait souvent, à cet enfant qui n’est jamais né. Celui causé par l’assassinat de son père par les membres d’un gang rival.
L’été, malgré l’enveloppe familiale qui couvre et protège l’enfance, on craint aussi, avec une dose de respect obligé, la vieille tante Maria. Elle, la sorcière, la guérisseuse, toujours habillée de noir, ne serait-elle pas l’image de cette Corse mystérieuse ?
Mais pendant la saison estivale, il n’y a plus de contraintes, on avance, pieds nus, dans une totale liberté. Du moins, on le pense. De l’enfance à l’adolescence, les jeux se transforment, les découvertes sont différentes et les filles viennent ouvrir certaines avenues jusqu’alors inaccessibles. L’heure des choix arrive ; et ce ne sont pas toujours les meilleurs qui seront faits.
Le lecteur scrute la vie de Rémi, son passage au monde des adultes ne se fait pas sans heurt. Un autre drame viendra bouleverser leur vie. Comment feront-ils, à l’instar de leurs ainés, pour vivre avec ces nouveaux secrets ?
Une chose demeure immuable, les beautés et l’amour que l’on porte à cette île qui nous hante l’esprit. La Corse habite les hommes et les femmes qui y vivent; même ceux qui la lisent. Les beautés de l’île restent imprégnées dans notre imaginaire. Et l’amour que Cécilia Castelli porte au pays où elle est née se ressent dans la poésie des phrases qu’elle lui consacre. Et ça donne d’agréables moments de lecture.
L’histoire de cette famille et de ses secrets est passionnante, la traversée initiatique de l’enfance à l’adolescence en est la trame. L’’île vibre quand on y est, mais aussi, quand sa présence nous manque. Et pourtant, comme pour la famille, parfois, on préfère la quitter; mais c’est souvent pour mieux y revenir.
N’hésitez pas à ouvrir ce roman qui très rapidement, vous plongera au cœur d’un pays rempli de nature et de mystères. Laissez vous aller à rêver grâce à l’écriture de Cécilia Castelli ; avec elle, la Corse prend vie sous vos yeux avec talent et imagination.
« Frères Soleil » un plaisir de lecture que je vous recommande grandement ! Cécilia Castelli, une auteure à découvrir, pour son originalité, son écriture et l’amour de son île ! Et surtout, lisez « Frères Soleil » (et pourquoi pas « Mollusques » …) juste pour le plaisir de lire un beau et bon roman. Avec une bonne et belle histoire !
Quelques extraits :
De la poésie d’un paysage.
« Se souvenir, pour toujours, de la vallée du Taravo.
De ses ombres, de sa fraîcheur la nuit. Des tombes le long du chemin. Des âmes mortes à jamais parties. De l’hostile terrain où rien ne pousse. »
De la curiosité de l’homme pour l’horreur.
« Attirés comme des mouches par l’odeur de la mort, les mauvaises langues autour du cadavre de … se délièrent, déversant en public, sans vergogne, leur fiel tandis que les gendarmes examinaient le corps. »
Et un test d’alcoolémie à la corse.
« Être aussi con que Michel Fieschi était le signal que l’on avait trop bu, qu’il était temps de rentrer car l’on commençait à perdre l’esprit. Ce qui était peut-être finalement une bonne chose. »
Bonne lecture !
Frères Soleil
Cécilia Castelli
Éditions Le passage
2020
279 pages
P.S. Le roman parait aujourd’hui le 20 août en France.
Au Québec, la parution est prévue pour le 16 septembre. Évidemment, je ferai un rappel sur ma page Facebook !
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