4 Mai 2020
Une chronique de Sylvie Geoffrion
Malgré le froid, malgré le manque, malgré les défaites, malgré les vainqueurs, malgré le rationnement, malgré la résilience, malgré ce poids sur les épaules, malgré le malheur qui noircit tout, j'ai adoré "L'assassin des ruines" de Cay Rademacher que je découvrais.
Nous sommes à Hambourg, en 1947. Les Allemands n'ont plus rien, les Britanniques imposent les règles, les petites gens, les rescapés, les déplacés survivent comme ils peuvent. Habitant de Hambourg à cette époque, on en bave ! Même Stave, inspecteur de la police criminelle n'y échappe pas: peu de moyens, pas de chauffage, pas de quoi se nourrir, se vêtir convenablement à la maison ou au bureau c'est pareil. Il fait froid en cet hiver '47 et voilà qu'on découvre dans la ville un corps, puis un autre et encore et encore...Des corps dénudés, impossible à identifier...Mais Stave est déterminé, il lui faudra savoir qui sont ces victimes et qui les a assassinées.
On s'imagine, bien sûr à tort que lorsqu'une guerre est finie, les choses doivent revenir à la normale. Mais comment vivre dans une ville en ruines, comment survivre de tickets de rationnement quand les magasins sont vides, que les trains ne roulent pas, qu'il n'y a pas d'électricité, que tous sont assujettis au couvre-feu? Le marché noir ? Bien sûr qu'il existe et bien sûr que ceux qui s'y adonnent sont traqués par le vainqueur. Vainqueur qui, on dirait, veut priver ces gens de tout...
Premier tome d'une trilogie, c'est avec grand plaisir que je poursuivrai mon errance hambourgeoise avec l'inspecteur Stave.
C'est maintenant l'été à Hambourg dans ce T.2 de la trilogie hambourgeoise. Il fait chaud, c'est lourd et on a toujours aussi faim. Rien de la quotidienneté n'est facile. L'ambiance dans laquelle nous plonge Cay Rademacher est toujours aussi fascinant.
Cette vie, immédiatement après guerre, la misère des vaincus, la hargne des vainqueurs toujours aussi présentes. Cette fois, un enfant est retrouvé poignardé, le corps sur une bombe non explosée. L’inspecteur Stave fait face à une nouvelle réalité. Hambourg à cette époque comptait près de 40,000 enfants sans famille. Certains ont trouvé refuge dans des familles amies ou dans des organisations humanitaires mais beaucoup d'autres vivaient dans les ruines, se débrouillaient au jour le jour, se prostituaient, volaient, faisaient du trafic pour survivre. Ils sont ainsi devenus les "enfants-loups".
Une réalité terrible bien décrite dans cet opus. La perspective d'une vie meilleure n'existe tout simplement pas pour beaucoup d'entre eux. Je crois que ne serait-ce pour cette terrible quotidienneté d'immédiate après guerre, cette trilogie vaut la peine d'être lue.
Je termine la trilogie hambourgeoise avec ce titre "Le faussaire de Hambourg". Aucunement déçue. Au contraire plaisir triple. Cay Rademacher a su dépeindre très honnêtement, oui on y croit, le quotidien des habitants d'une Hambourg en ruines, vaincue, sous domination britannique, un après-guerre sinistre.
Dans ce tome, Franck Stave, notre inspecteur, après avoir été blessé par balle lors d'une mission, décide de quitter le département des Homicides et se retrouve à l'Office de lutte contre le marché noir. Sa première affaire sera d'enquêter sur de mystérieuses sculptures retrouvées dans les débris d'un immeuble effondré ...tout à côté d'un corps...Mais enquêter sur le cadavre n'est plus de son ressort puisqu'il n'est plus aux Homicides. Mais...Ce sera peut-être l'occasion pour Stave de régler des comptes avec des collègues.
Le faussaire de Hambourg se déploie juste quand les Alliés décident d'introduire une nouvelle monnaie: le Deutsche Mark (DM). C'est donc une nouvelle ère, de nouveaux horizons plus optimistes qui s'ouvrent pour les Allemands. Et la vie de Stave, notre inspecteur, se poursuivra sous des auspices plus lumineux.
Je salue le travail de documentation et l'authenticité de l'écriture de l'auteur. Sans être didactique, l'ambiance de l'époque nous est rapportée, me semble-t-il de façon juste et réelle.
Une trilogie que je recommande et donc 5 étoiles pour l'ensemble.
Bonne lecture !