10 Avril 2018
Chronique rédigée par Florence Meney
Je l’ai déjà dit et je vais me répéter : je me méfie toujours quand un ouvrage m’arrive drapé dans la certitude d’un gros bandeau rouge triomphaliste clamant : «best-seller de ceci, livre le plus de lu de la planète cela etc…», vous voyez le genre ?
Comme le dernier Lisa Gardner, Le saut de l’ange, que j’avais recensé ici, Lumière noire clame donc être le Numéro 1 du suspense aux États-Unis. Je ne sais pas si c’est vrai et pendant combien de temps le livre a trôné au sommet des palmarès états-unien, mais je cherche donc dare-dare à valider cet apparent succès. Familière de la romancière américaine, je m’étais antérieurement attachée à son personnage de détective, la sympathique et imparfaite D.D. Warren. Pourtant, ouvrage après ouvrage, ses aventures souvent assez bien amorcées mais mal ficelées en fin de (longue) course, m’ont laissée sur ma faim ou plutôt m’ont accablée par leur longueur inutile, leur intrigue alambiquée et la multitude des invraisemblances que l’écrivaine jette à chaque chapitre dans les pattes de ses lecteurs. Et puis aussi un je ne sais quoi qui me fait penser que la dame écrit pour plaire, ce qui est rarement une bonne idée.
Avec Lumière noire, Lisa Gardner, partant du principe du principe que trop, ce n’est pas comme pas assez, frappe fort en nous servant des faits divers répugnants et des moins que rien bien juteux (cœurs sensibles, passez votre chemin). Vous voulez du sordide, du dark, du glauque, monsieur et madame sont servis. Burp, indigestion en vue…
L’histoire en mode binaire (deux voix, principalement), s’attache au martyr de Flora, une survivante pas mal "maganée" par la vie et on la comprend puisqu’elle a été gardée en otage non pas une fois, mais deux, enfermée dans un cercueil nauséabond et violée à répétition (quand on aime on ne compte pas L). Après avoir été aux mains de son bourreau pendant précisément 472 jours à n'espérer qu'une chose, survivre, Flora s’échappe, mais, ô surprise, les séquelles de ses sévices l’ont changée du tout au tout, au point où sa famille ne reconnait plus la douce jeune fille amie de la nature d’antan. En fait Flora est devenue une espèce de vengeresse, dont tout le monde (elle y compris) se demande tout au long des 490 pages si elle a basculé du mauvais côté de la force pour devenir un monstre comme son bourreau.
Lorsque Flora disparaitra une deuxième fois, D.D. Warren sera sur les dents et fera tout pour comprendre à quel criminel pervers en série elle a affaire, et quels traits sont ceux du tueur en série.
J’ai relu ma dernière chronique sur cette auteure. Elle avait été lapidaire. Je vais essayer d’être plus gentille ici, en soulignant que l’histoire, sans être follement originale, a des qualités. La description des interrogations tourmentées de Flora, sa découverte de plaisirs minuscules comme la douceur d’une étoffe qui aident à occulter la souffrance, son rapport compliqué avec les hommes (qui peut la blâmer?), son lien amour-haine avec sa mère, personnage attachant, sont autant d’éléments assez réussis et qui donnent de la substance aux divers personnages.
Cependant, le livre tourne en rond dans les interminables descriptions de sévices et des efforts de Flora pour s’en extraire et pour savoir surtout qui elle est devenue. On comprend que l’idée est de nous faire ressentir ce que la captivité brutale de l’héroïne a d’interminable et de désespérant, mais il aurait fallu resserrer. Pas mal, même. Le masochisme a ses limites.
En émergeant sonnée de Lumière noire, je me suis demandé si je lisais trop de roman sombre, si ce n’était pas moi le problème. Une saturation de méchants, de cadavres, d’horreurs commises sur toutes sortes de victimes toutes plus innocentes les unes que les autres. Puis, d’une main décidée, je me suis tournée vers le prochain polar sur ma haute pile, salive à la bouche. Il y a toujours la promesse d’un prochain amour, n’est-ce pas?
Promis, cette nouvelle aventure, je la partagerai bientôt avec vous J
Lumière noire
Lisa Gardner
Albin Michel
490 pages
Page de l'auteure sur le site d'Albin Michel