30 Décembre 2016
Voici ce que j’écrivais lors de ma dernière chronique sur un roman de Donna Leon :
« Avertissement !
Cette chronique manquera totalement d’objectivité !
Je suis amoureux de Venise même si je n’aime pas les pigeons. La seule pensée d’un café sur la Place Saint-Marc me fait frissonner et je suis un inconditionnel de Donna Leon. J’adore Guido Brunetti et toute sa famille.
Alors, ne soyez pas surpris si je vous dis que les romans de Donna Leon sont des valeurs sûres, des plaisirs de lecture garantis. »
Et après ma lecture de « Brunetti en trois actes », je suis encore tout à fait d’accord …avec moi-même. La qualité ne se dément pas, le plaisir de lire est toujours présent et retrouver le clan Brunetti, en plus de l’équipe de la vice-questure, est un bonheur que je ne rate jamais. Chaque fois, je me dis que je vais m’ennuyer dans ces vieilles chaussettes vénitiennes, que je vais me perdre dans les radotages de vaporettos et pire, je vais bayer aux corneilles durant les repas préparés par Paola … Eh bien non ! Dès les premières pages, on ressent la joie de se retrouver avec des gens avec qui on aimerait passer nos vacances (sauf avec l’inénarrable vice-questeur Patta !).
Noblesse oblige, comme dans le premier roman de la série des Brunetti, « Mort à la Fenice » écrit en 1992, l’histoire débute dans cette célèbre maison de l’opéra, véritable phénix qu’aucun incendie n’empêchera de renaître de ses cendres. Ce soir-là, la cantatrice Flavia Petrelli chante la Tosca jusqu’au moment où elle plonge dans le vide, suicide théâtral tant de fois applaudi. Dès son retour sur scène, sous les tonnerres d’applaudissements, une pluie orageuse de roses jaunes la couvre d’inquiétude. Depuis quelques jours, un admirateur inconnu la poursuit de ses avances insistantes et de douzaines de roses jaunes.
Assis dans la salle, Brunetti et Paola sont ravis du spectacle et comme ils connaissent la diva, ils vont la rencontrer à la sortie de sa loge. Bises, félicitations, invitation à souper, la soirée se termine bien pour le couple, mais dès son arrivée à son appartement, la cantatrice est surprise de voir encore à sa porte, des douzaines de roses jaunes. Comme une déclaration d’amour un peu trop appuyée !
Puis une agression contre une jeune chanteuse en formation confirme à tout le monde que le danger est bel et bien présent !
Tout le monde se met au travail, même la très compétente signorina Elletra qui avait amorcé une grève du zèle contre ses patrons. Mais ne pouvant résister à Guido et n’ayant rien à lui reprocher, comme d’habitude, elle lui sera d’un immense secours.
Encore une fois, l’enquête est bien menée par le commissaire Brunetti et bien tricotée par l’auteure Donna Leon. Les dialogues, savoureux comme un foie de veau vénitien, charmeront les plus difficiles lecteurs. Donna Leon sait comment utiliser un humour fin et intelligent, au service de son histoire. On se déplace dans les rues et les canaux de Venise, dans les couloirs de la Fenice et dans les cafés vénitiens, tout en suivant avec intérêt les pensées et les réflexions de nos enquêteurs. Et ce qui ne gâche rien, Donna Leon ne nous prive d’aucune information sur le Bel Canto. Et ce sans être rébarbatif pour les non-initiés.
Et comme les 26 enquêtes précédentes, ce 27e roman coule comme une gondole sur le Grand Canal … en laissant des petites vagues de plaisir, en nous permettant d’admirer les devantures des palazzos et parfois, en écoutant ces personnages au chandail typique, nous chanter O sole mio.
Et à la fin de votre lecture, n’hésitez pas à admirer la très belle page couverture représentant la salle de la Fenice. Vous rêverez d’y assister à La Traviata chantée par la Callas!
En attendant, voici quelques extraits :
Un exemple de dialogue à la Leon … entre Brunetti et la signorina Elettra :
« Ce que je suis en train de faire, dans le même temps, c’est de sevrer le vice-questeur de cette dépendance fort gênante à certaines de mes compétences qu’il a contractée au fil des ans.
- Vous lui avez dit cela aussi ? demanda Brunetti, incapable de dissimuler son étonnement.
- Bien sûr que non, dottore, je crois qu’il vaut mieux pour nous tous qu’il ne s’en rende pas compte. »
« Brunetti rendit grâce au fait de vivre dans un pays où une femme qui venait juste de dire qu’elle craignait pour sa vie se mettait du eye-liner et du rouge à lèvres pour marcher dix minutes dans une ville déserte après minuit. »
Et une bonne dose de féminisme :
« Il se demanda si Claudia et lui n’étaient pas en train de se conformer à la mentalité caractéristique des siècles précédents : tout comportement bizarre était utérin, pure hystérie, et dû au manque d’une présence masculine. »
Bon séjour à Venise et bonne lecture !
Brunetti en trois actes
Donna Leon
Calmann-Lévy
2016
338 pages
Le site français de l’auteure