24 Mars 2016
C’est toujours avec un immense plaisir et avec une curiosité avide que j’aime découvrir un nouvel auteur de polar (celle-ci étant plus que satisfaite depuis quelque temps, le nombre d’auteurs augmente plus vite que ma liste.)
Cette fois-ci, un polar à la sauce « british » avec une couverture qui m’a bien plu et fait sourire au grand dam de certains. J’ai été attiré par son image glauque. Des cochons dans un champ sombre avec pour titre « Des garçons bien élevés, » le nom de l’auteur tout en rose sur fond noir. Et cette quatrième de couverture qui m’appelle : vous avez le cœur bien accroché ?
Ils sont sept. Ils se connaissent depuis vingt ans, tous anciens élèves de la très prestigieuse école de Potter’s Field. Des hommes venus des meilleures familles, riches et privilégiés. Et voilà, je me suis laissé convaincre.
La scène inaugurale du livre s’ouvre d’une façon intense et très efficace. Une petite gifle dès les premières lignes. Une jeune fille tente tant bien que mal de s’évader d’un sous-sol où elle vient d’être violée et molestée par une bande de sept étudiants bien bourrés et gelés.
« Ils en avaient fini avec elle. Gisant sur le matelas, à plat ventre, elle semblait déjà morte. Une meute de garçons forts comme des hommes, cruels comme des enfants. Ils avaient pris tout ce qu’ils voulaient et, maintenant, il ne restait plus rien. »
Dès le départ, nous sommes directement au cœur de la trame. Le mobile du crime est dévoilé. Ce qui n’est pas sans me déplaire, car tout au long du récit, nous savons ce qui s’est passé. Une victime, sept agresseurs potentiels. Qui sont justement ses sept garçons si bien élevés ?
Le crime s’est déroulé en 1988, non loin du pensionnat des jeunes gens et voilà que 20 ans plus tard, les agresseurs deviennent à leur tour la proie d’un tueur. Le premier de la liste, a passé sous le couperet est Hugo Buck, banquier prospère, retrouvé dans son bureau, la gorge tranchée de façon presque chirurgicale. Le meurtrier laissant en guise d’offrande une photo de sept jeunes hommes en tenue militaire posant fièrement devant l’objectif, pris à l’époque où l’homme fréquentait le prestigieux collège, ainsi qu’une inscription taguée au sang séché : PORC.
L’enquête est léguée à l’inspecteur Max Wolfe, anciennement de la brigade contre le terrorisme, nouvellement affecté aux homicides. Un policier boxeur souffrant d’insomnie qui élève seule sa fille dont la mère est partie paître dans de nouveaux pâturages. Un personnage rafraîchissant contrastant avec d’autres flics déjà rencontrés qui naviguent dans leurs vapeurs éthyliques. Un deuxième meurtre ne va pas tarder, un sans-abri sera retrouvé dans ses débris, la gorge tranchée, similaire au premier. Même indice, le mot PORC sur le mur. Mais sous le couvert de ce SDF accro à l’héroïne se cache un fils à papa aux origines aisées, qui avait toutes les cartes en main pour un avenir réussie.
Qu’est-ce qui peut bien relier un banquier d’investissement prospère à un SDF junkie ? L’enquête sera orientée sur l’identification des sept jeunes hommes de la photo. Qui peut bien pourchasser et égorger ses hommes après tant d’années ? Qui exerce cette vengeance ? En parallèle, sur les réseaux sociaux, un inconnu surnommé « Bob le boucher » enflamme le web avec ses hashtag, revendiquant les crimes, se disant le vertueux vengeur des dépossédés. #mortauxporc.
L’attrait et l’habileté de ce roman sont dans l’alternance et la fluidité entre les scènes. Les séquences d’actions et de violence, les plans du quotidien, les visites du Black muséum du New Scotland Yard (petite visite fort intéressante), les coulisses de la police anglaise. L’écriture coule agilement, bien rythmée et sans chichis. Il est intéressant de pénétrer au sein de la haute sphère de la société anglaise, de regarder ce qui se mur derrière les fenêtres des ses écoles de prestiges.
Certes, la facture est assez classique, mais dans l’ensemble assez bien réussie. Un meurtre, un tueur, une enquête jusqu’au dénouement final. C’est parfois dans la simplicité que se cache la subtilité. Et non ! Je n’ai pas deviné la fin ! Une bonne lecture, qui se laisse savourer jusqu’a la dernière page.
J’ai bien aimé le petit clin d’œil très imagé de l’avant — dernière page ;)
Quelques extraits :
« Parce qu’on lui a coupé la trachée. Pas de trachée, pas de cri. »
« À cause de cette haine de classe très ancrée dans la mentalité britannique. On plaint les petits garçons entassés dans leur pensionnat, qui font pipi au lit et pleurent en appelant leur mère, mais on finit par les envier, car ils ont quelque chose que nous autres n’aurons jamais. »
« “Leur visage partageait la même expression stupéfaire, béante et figée par le choc, comme des enfants qui viennent de trouver leur canari mort dans sa cage, ou de percer à jour le déguisement du Père Noël et qui comprennent pour la première fois combien le monde peut être cruel.”
“Ils vous cassent et, après, ils vous reconstruisent. Voilà ce qu’ils font, dans ces vieilles écoles anglaises si réputées. C’est ça que vos parents paient si cher. Ils vous démolissent morceau par morceau puis ils vous refaçonnent à leur image. Ils prennent des petits garçons craintifs et ils en font des capitaines d’industrie, des décideurs, des premiers ministres...”
“– Et juste avant de mourir à un âge encore jeune, il nous a laissé une leçon inestimable.
- Laquelle chef ?
- Les morts ne mentent pas”
Des garçons bien élèves.
Tony Parsons
Éditions de la Martinière.
428 pages
2014