11 Février 2016
Quand j’ai vu sur les gondoles de ma librairie préférée, il y a presque deux ans maintenant, ce drôle de patronyme « Yeruldelgger » avec ce bizarre de nom, Ian Manook, j’ai été franchement intrigué. Mais quel était donc cet objet littéraire dont le titre donnait plus de 100 points au Scrabble ?
Cédant à ma curiosité et à ma maladie incurable d’acheteur compulsif de livres (que ma libraire entretient sardoniquement !), je me suis procuré ce livre et je l’ai dévoré. D’un seul coup ! Avec grand plaisir et surtout en découvrant un auteur fascinant et un univers étrange.
Puis, en mai, j’ai eu la chance de rencontrer Ian Manook pendant le week-end des Printemps meurtriers de Knowlton. Tous les participants ont découvert un auteur avec un talent immense, mais aussi, une personne très sympathique qui s’est créé une longue liste d’amis québécois.
Ce n’est que le manque de temps et surtout l’abondance de la production littéraire qui ont fait en sorte que je n’ai pu lire son deuxième récit, "Les temps sauvages", avant aujourd’hui. Très rapidement, j’ai retrouvé avec plaisir les personnages du premier roman et cette terre bien spéciale de la Mongolie. En hiver ! Avec le froid ! Deux concepts chers au Québécois que je suis ! Mais sous la plume du créateur de Yeruldelgger, l’hiver et le froid mongolien possèdent une saveur bien particulière, parfumés aux odeurs de cette gastronomie bien originale.
Le ciel de la Mongolie est imprévisible ! On le sait, pendant l’hiver, c’est généralement de la neige qui tombe, mais cette année-là, le ciel mongolien réserve à ses habitants de bien drôles de surprises. Oyun, la collègue de Yeruldelgger reste perplexe devant une sculpture un peu particulière : un homme a été enseveli sous son cheval et par dessus, un yack s’est carrément écrasé sur le cavalier et sa monture.
Pendant ce temps, Yeruldelgger (permettez-moi de ne pas écrire ses prénoms !!!) se rend, à la demande d’un ami, dans un endroit où les gypaètes laissent tomber des os d’une falaise pour pouvoir les briser et en manger la moelle. Cependant, malgré la force de ces oiseaux, aucun ne serait assez fort pour transporter et laisser choir le corps d’une personne, tombée du ciel. Décidément, l’hiver est assez mortel.
De plus, le policier des steppes mongoliennes traverse une période difficile. Depuis sa dernière enquête, la colère ne le lâche plus, il en oublie les principes spirituels de sa formation du Septième Monastère et développe des désirs de vengeance. Accusé du meurtre d’une de ses indics, vivant des problèmes avec sa fille, il a tendance à s’éloigner de son équipe, à se perdre dans ses enquêtes et à se refermer sur lui-même.
Les enquêtes s’entremêlent. On découvre de plus en plus le personnage d’Oyun et on suit avec plaisir les relations entre Solongo, la médecin légiste et amoureuse de Yeruldelgger avec la fille de celui-ci, Saraa.
« Les temps sauvages » est une réussite complète ! Ian Manook remplit les promesses nées du succès de son premier roman et fait vivre au lecteur des émotions et des plaisirs diversifiés. L’amateur de polar embarque dans le récit et poursuit avec délice les méandres des enquêtes ; le lecteur friand des us et coutumes de ce pays exotique traverse les steppes les cinq sens en alerte et l’amoureux de littérature se gave des mots et des phrases bien tournées et bien écrites. Tout en se délectant de ses dialogues percutants souvent chargés d’humour. Un plaisir de lire complet !
Ian Manook possède le talent pour nous décrire les paysages époustouflants de la Mongolie. Comme les Inuits d’Amérique du Nord qui ont près de 200 mots pour décrire la neige, ce diable d’homme est capable de vous décrire le froid intense et mordant d’une façon tellement réaliste que le lecteur se gèle les doigts, juste à tenir le livre pendant sa lecture.
Vous avez aimé le premier roman de Yeruldelgger ? Alors, enfilez vos bottes, couvrez-vous d’un manteau chaud et confortable et sautez dans le premier avion pour les steppes mongoliennes ; par beau temps ou en plein coeur d’une « dzüüd », Ian Manook sera un guide parfait. Et autour d’un bol bouillant de raviolis au ragout de mouton, on se demandera quelle sera la prochaine enquête de ce sympathique policier.
Je lève mon verre de lait de yack à la santé de Ian Manook et de sa belle Françoise.
Signé Richard
Ou plutôt Robert ! (une belle histoire de dédicace entre Ian et moi…)
Quelques extraits :
« Yeruldelgger avait déambulé dans la ville, en colère contre lui-même. Il n’aimait pas ce qu’il devenait. Ce chef colérique. Plus rien de l’enseignement du Septième Monastère ne semblait avoir prise sur lui. La charge des émotions, la force du silence, la puissance de la patience, il ne maîtrisait plus rien. Il avait cru s’en faire une forteresse invisible et imprenable, mais son métier avait eu raison de sa force comme le vent, avec le temps, des plus hautes falaises. »
Oyun, devant un soldat un peu niais : « Yeruldelgger lui avait déjà parlé de ces nomades devenus fonctionnaires. Tout ce qui faisait la qualité des nomades faisait les défauts des fonctionnaires. Surtout s’il était militaire. »
« Tu es l’homme dont elle parlait en silence, n’est-ce pas ? »
Et pour me faire plaisir … « Je vais te montrer qui c'est, Rebroff. Aux quatre coins de la toundra qu'on va te retrouver, congelé par petits bouts, façon glace pilée. Moi, quand on cherche le brassage, je ne cogne plus: je slap shot, je drop le puck, je pète la rondelle.»
Je me retiens pour ne pas vous citer la recette de la tête de chèvre de la page 359. Mais j’ai tellement ri que je vous encourage à la lire … Mais si vous la faites, ne m’invitez pas !
Bonne lecture !
Les temps sauvages
Ian Manook
Albin Michel
2015
524 pages
Ian Manook a sûrement été le seul beatnick à traverser d'Est en Ouest tous les États-Unis en trois jours pour assister au festival de Woodstock et s'apercevoir en arrivant en Californie qu'il ...
Sur Albin Michel
Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, nait à Meudon en 1949 dans une famille ouvrière modeste aux origines arméniennes. Issu de la filière " moderne " du Lycée Hoche de Meudon, il int...
Une biographie de Ian Manook sur Toulouse Polars du Sud
Ian Manook, écrivain flingueur | Marie-Christine Blais | Livres
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http://www.lapresse.ca/arts/livres/201505/15/01-4870128-ian-manook-ecrivain-flingueur.php
Un excellent article de Marie-Christine Blais dans La Presse du 16 mai 2015