8 Décembre 2015
Pour tous ceux qui aiment se plonger dans un roman dont l’auteur sème des graines qui vous déroutent, ce thriller psychologique saura vous plaire sans l’ombre d’un.... doute!
J’ai vraiment été intrigué par la quatrième de couverture, raison pour laquelle j’ai choisi ce livre plus tôt qu’un autre. Et je dois avouer que je ne fus pas déçue, mais pas du tout. J’aime me laisser déjouer par la force d’une intrigue, par ses jeux de faux – semblant, à la manière de Gillian Flynn avec « Les apparences» et S.J.Watson « Avant d’aller dormir»
L’auteur, S. K. Tremayne (un des pseudonymes de l’écrivain et journaliste Sean Thomas) vous enferme dans un huis clos muré de mystères à vous demander qui est manipulé dans toute cette fiction, les protagonistes ou bien vous? J’ai lu le livre en deux jours, page après page, il a aiguisé ma curiosité, je devais savoir... je devais me rendre à la fin et sans attendre.
L’histoire
Quatorze mois après le décès accidentel de Lydia, l’une de leurs jumelles, Angus et Sarah Moorcroft quittent Londres pour oublier le drame et repartir sur de nouvelles bases. Ils s’installent sur Torran Island, (île du tonnerre) au large de Skye en Écosse, isolée de tout. Dès lors, le comportement étrange de leur fille Kristie ensemencera le trouble dans le quotidien de cette petite famille endeuillée. Kristie développera un comportement douteux, problématique, elle demandera soudainement à se faire prénommer Lydia, le prénom de sa jumelle décédée. Car pour elle, elle est Lydia, elle est persuadée que sa sœur l’a hantée.
`` Maman, c’est Kristie qui est morte, moi je suis Lydia, pourquoi tu m’appelles toujours Kristie? `` Déclare un jour la gamine à sa mère déjà très bouleversée par le drame. Est-il possible que les parents se soient trompés à ce point sur l’identité de la victime? Est-ce vraiment Kristie, ou bien est-ce Lydia qui se tient devant elle? Que s’est-il vraiment passé le soir du drame? Laquelle des deux est passée par-dessus la rambarde du balcon?
L’histoire est narrée à la première personne par Sarah, au chapitre suivant ce sera à la troisième personne par la voix d’Angus, ce qui ne sera pas sans nous désarçonner quelque peu. Il amènera un autre point de vue, une autre vision de ce qui s’est passé puisque lui... semble savoir. Ce qui vous déstabilisera et vous embrouillera encore plus. Laquelle de ses deux versions est la bonne? Qui a raison? Ont-ils tort tous les deux? Chacun, à leur manière par leurs agissements et leurs comportements feront des choix qui parfois vous laisseront bien perplexe face à certain de leur jugement. Car il semble y avoir beaucoup de non-dits entre les deux, quelques secrets bien enterrés.
Sarah, écrouée par la détresse d’avoir perdu un enfant, et intriguée par les agissements et les propos étranges de sa fille, doutera de son équilibre allant jusqu’à craindre une psychose. Elle se culpabilisera face au décès de sa fille et ce posera un grand nombre de questions ; et si ce fameux soir fatidique elle avait fait preuve de plus de vigilance, est-ce que le drame aurait pu être évité? Est- elle une si mauvaise mère? Pourtant dans ses moments de lucidité, elle voit bien que Kristie emprunte la personnalité de son autre fille! Tout dans son intonation, son comportement et ses propos portent à croire qu’ils ont bien commis une erreur. Même le chien de la maison se comporte différemment en présence de Kristie. Flaire- il le changement d’identité?
Et, coincé entre les deux, Kristie, perturbée et brisée par la perte de sa jumelle. Elle voit celle-ci, sa présence semble palpable, elle l’entend lui murmurer des choses à l’oreille comme lorsqu’elles étaient encore ensembles, complices dans leurs jeux et leurs fous rires. Elle sera mise à l’écart par ses camarades de classe allant jusqu’a la surnommé « le monstre » isolée dans son coin dans la cour de récréation, elle semble discuter et gesticuler comme si il y avait une personne devant elle, semblant s’adresser à un fantôme. Pourquoi personne ne peut-il la croire? Pourquoi personne ne voit sa sœur?
La gémellité est ici bien exploitée, l’aura de mystère qui entoure les jumelles monozygotes rend parfois le récit troublant et dérangeant. Le lien fusionnel qui unit les deux filles engendre encore plus de confusion au récit.
Je crois que l’ambiance ténébreuse du roman à une forte emprise sur le récit. Une île mystérieuse au milieu de nulle part, entourée de boue et de vase, au climat sombre et hostile dont on accède selon l’humeur des marées. Un cottage délabré, dont les cloisons s’effondrent, les volets claquent au moindre souffle du vent, ou le froid et les rats s’y côtoient en toute insouciance. L’atmosphère y est lourde, obscure et démesurée. Qui donc serait capable de vivre ainsi cloîtré, éloigné de tout, dans de telles conditions et qui plus est suite à une telle tragédie.
Voilà, les cordes sont bien tendus, la trame bien dessinée, tension, mystère, mensonge, jeu de miroir, ambiance angoissante. Un thriller tout en crescendo qui saura vous tenir en haleine et bien éveillé, impossible de savoir ce qui c’est réellement passé avant la toute fin. Tout y est, surtout, surtout .... Le doute. Un roman qui porte très bien son titre.
En bref, une bonne lecture, j’ai été ému par le personnage de Sarah ainsi que ceux des jumelles, pour l’émotion qu’elles m’ont soutirée. Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais lorsqu’il est question d’enfant face à un effroyable drame, mon sentiment de malaise est encore plus palpable.
Bonne lecture
Quelques extraits :
« Du jour où nous avons ramené Beany à nos petites filles aux anges, il a eu une relation particulière avec les deux. Néanmoins, il faisait la distinction entre elles ; il ne les aimait pas de la même manière»
«Bean a cessé d’être extraverti avec Kristie. Il a adopté avec elle le même comportement qu’avec Lydia. Les questions se bousculent dans ma tête : quand exactement a-t-il changé d’attitude? Au moment de la mort de Lydia, ou plus tard?»
« A Skye, personne de t’entendra crier : la moitié des maisons le long de la côte sont vides. Ce sont des résidences secondaires. En hiver, quand la marée monte, c’est la noyade assurée, dans une eau glaciale...»
« Si j’ai pensé que c’était Lydia en bas sur la terrasse, mourante, c’est parce que sa jumelle me l’a dit. Maman, maman, viens vite, Lydie-Lo est tombée.»
«Le chagrin, la culpabilité et l`expérience brutale d’une solitude sans bornes peuvent s’associer pour créer des déséquilibres pour le moins surprenants dans l’esprit du jumeau survivant. Lorsqu’un jumeau meurt, il arrive que l’autre adopte certaines de ses caractéristiques, comme lui ressembler le plus possible.»
« Imaginez tout ce que Kristie doit endurer seule : elle est elle même l’image vivante de sa sœur décédée. Chaque fois qu’elle se regarde dans un miroir, elle la voit.»
Le doute
S.K Tremayne
Éditions Presses de la cité
284 pages.
Chronique rédigée par Sylvie Langlois
Collaboratrice à Polar, noir et blanc