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24 Février 2015
Attention ! Grand Maître à l’œuvre !
Dans son dernier roman paru, « Les nuits de Reykjavik », Arnaldur Indridason nous offre un de ses meilleurs romans, sinon, le meilleur. Et quand on a lu « La cité des jarres », « La femme en vert » et « La voix », il est difficile de concevoir qu’un écrivain puisse faire mieux. Indridason l’a fait ! « Les nuits de Reykjavik » est un grand roman, un polar parfait, qui confirme, même si ce n’était pas nécessaire, l’immense talent de cet auteur islandais.
Ceux qui ont lu « Duel » se rappelleront l’apparition, dans les bureaux de la Criminelle de Reykjavik, d’un jeune policier du nom d’Erlendur Sveinsson. Dans « Les nuits de Reykjavik », on retrouve donc le futur commissaire à ses débuts, policier de proximité accompagné de deux stagiaires pour faire sa patrouille. Violence conjugale, clochards éméchés, péripatéticiennes droguées, accidents de circulation et vols font partie de son quotidien. Puis, le matin, après son quart de travail, il rentre tranquillement dans son petit appartement en sous-sol, solitaire, sans télé, préférant lire et écouter de la musique. Et toujours empêtré dans une vie sentimentale étriquée.
Quatre jeunes adolescents découvrent un cadavre dans un fossé. Appelé sur les lieux, Erlendur reconnait le cadavre : un clochard dont il s’est parfois occupé. Le constat est rapide : le taux d’alcool dans le sang dépasse la norme et ce ne peut qu’être un accident. Affaire classée !
Au cours de la même fin de semaine, une femme disparait mystérieusement à la suite d’une soirée entre femmes. Les deux affaires ne semblent avoir aucun lien. Pourtant, la découverte d’un bijou par une clocharde change la donne et met Erlendur sur la piste d’éventuels responsables. Travaillant de nuit, il amorce une enquête en dehors de son temps de travail. À la Erlendur , tout en douceur, en humanité et en réflexion.
Lentement et avec une sympathie évidente pour le genre humain, Erlendur explore le milieu des clochards de la capitale islandaise : sous-sols crasseux, appartements délabrés, refuges surpeuplés, odeur de gnôle, goût douteux des bouteilles d’alcool à 70% achetées en pharmacie. Indridason nous dépeint d’une façon presque brutale toutes les sensations vécues par ces laissés-pour-compte du genre humain.
Malgré tout, par petites touches précises, l’auteur esquisse quelques traits d’humour qui viendront agrémenter le récit. Plus particulièrement quand il mettra en opposition le conservatisme d’Erlendur avec la modernité de ses deux stagiaires. Comment ne pas sourire quand il parle avec dédain de la « pissa » que l’on reçoit à la maison dans une boîte en carton ?
Tout le talent d’Indridason transcende le roman. Même si on connaît très bien le caractère de son personnage principal, il nous fait découvrir toute la subtilité du commissaire que nous avons suivi dans ses enquêtes ultérieures : son obsession pour les disparitions, son amour de la poésie islandaise, sa solitude, ses difficultés relationnelles et ses méthodes d’enquête nuancées.
Souvent, je me suis posé la question à savoir pourquoi j’aimais tellement cet auteur … Et je pense avoir trouvé. Je me suis surpris à ralentir mon rythme de lecture, en pensant que je voulais étirer mon plaisir. Puis, je me suis rendu compte d’une chose, qui me semble assez exceptionnelle. Un phénomène étrange se produit à chaque fois que je lis un roman d’Indridason, un petit miracle (le mot est peut-être fort mais il me plait) littéraire : le style d’écriture tout en nuances et en lenteur, un personnage réflexif et posé, tout cela influence grandement mon rythme de lecture. Une symbiose particulière s’installe qui fait en sorte que le lecteur, l’auteur et le personnage évoluent au même rythme, en harmonie avec le développement de l’histoire.
Cette magie littéraire fait en sorte qu’Indridason est le Maître du thriller adagio et passionnant. À consommer sans modération !
Bonne lecture !
Quelques extraits :
« Il avait alors compris qu’il détestait voyager avec des gens qui manifestaient en permanence de la gaité. Toute cette joie avait quelque chose d’oppressant. »
« Il ne s’était pas attardé, en réalité il n’y était resté que quelques instants, tout juste le temps de s’emplir les yeux de tristesse. »
« - C’est quand même incroyable, observa Gardar.
- Quoi donc ?
- Que nous ayons eu le courage de rester dans ce pays depuis plus de mille ans. »
Les nuits de Reykjavik
Arnaldur Indridason
Métailié
2015
261 pages
Les garçons tapotèrent l'anorak vert qui tournoya à la surface de l'eau, puis décrivit un arc de cercle avant de couler. S'aidant de leurs bâtons, ils le firent remonter et furent saisis d'eff...
Sur le site des éditions Métailié
"Les Nuits de Reykjavik" : Erlendur à cuire
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http://www.liberation.fr/livres/2015/02/18/erlendur-a-cuire_1205289
Un article de "Libération"