2 Juin 2014
Je ne m’en cache pas, Arnaldur Indridason est un de ces auteurs que j’apprécie beaucoup. Même si j’adore les thrillers et les romans époustouflants de rebondissements et d’action, le rythme lent des romans de l’auteur islandais, les passages réflexifs qui truffent l’intrigue et la découverte de ce pays si fascinant, ne sont pas pour me déplaire. Au contraire !
« Le Duel » prend pour cadre le fameux match d’échecs entre le Russe Boris Spassky et l’Américain Bobby Fischer. La ville et ses habitants sont fébriles ; Reykjavik devient le centre du monde, pour quelques temps. Le comportement d’enfant gâté de la star américaine, les tribulations des communistes islandais en pamoison devant le Russe, tout cela situé dans l’atmosphère de guerre froide des années 70, prennent toute la place dans les journaux de la capitale.
Pendant ce temps, la vie continue … mais parfois, aussi, elle s’achève cruellement. Trop rapidement ! Un tout jeune homme, sans histoire, un peu benêt, grand amateur de films, est assassiné dans une salle de cinéma. Il avait une drôle d’habitude : il collectionnait les trames sonores des films qu’il visionnait.
Le commissaire Marion Briem se voit confier l’enquête. Au fur et à mesure de la progression de l’enquête, nous découvrirons l’histoire de ce commissaire, de son enfance hantée par la tuberculose, de ses séjours en sanatorium et l’évolution des traitements, parfois assez violents, de cette maladie. Découverte ! On s’attache à ce personnage énigmatique (comme pour bien des personnages d’Indridason), à son humanisme et à sa générosité. L’auteur nous dépeint cet homme complexe avec profondeur, une sensibilité qui nous rend ce personnage tellement sympathique, tellement riche. Le commissaire Briem est un personnage très attachant.
Mais aussi, très très énigmatique ! Arnaldur Indridason joue un jeu avec ses lecteurs, un clin d’œil, qui, je l’avoue, m’a complètement berné. Tout au long de ma lecture, j’ai pensé que Marion Briem était un personnage masculin. Volontairement, j’imagine, nulle part dans le texte, l’auteur utilise les pronoms il ou elle. Puis, à la suggestion d’un blogueur, je suis retourné dans " La cité des jarres " où l’auteur précise le genre féminin de Marion, très clairement ! Je me suis donc laissé avoir … Bravo monsieur l’auteur ! Et shame on me … pour ma mémoire !
L’intrigue est passionnante et surtout, tout y est parfaitement équilibré. L’auteur nous plonge dans des univers différents, nous immerge dans les contradictions entre l’enfance de l’inspecteur, la vie simple de la victime et le milieu bourgeois des grands maîtres des échecs. Cette enquête qui apparaît toute simple au début, se transforme graduellement en une complexe histoire d’espionnage, au détriment de ce pauvre adolescent assassiné.
Évidemment, le lecteur retrouvera le style d’Indridason qui nous transporte dans une lecture toute en nuances et en émotions. Les drames sont nombreux mais l’humour vient souvent édulcorer l’atmosphère. Et comme dans une thématique récurrente de l’auteur islandais, le passé remonte à la surface, hante l’esprit des personnages et colore le présent des couleurs sombres et tristes du passé.
Puis, comme un message d’espoir, à la dernière page de ce roman, un jeune policier apparaît. Marion le regarde, un visage intelligent, une bouche volontaire mais des yeux cernés, profondément. Il tient une enveloppe tout en se grattant le cou. À la demande de Marion, il dit son nom : « Je m’appelle Erlendur Sveinsson. »
Quelques extraits :
« Ses petites épaules s’étaient affaissées en un soupir à peine audible, ses bras étaient retombés le long de son corps. Immobile, Marion regardait les plis du drap blanc et s’imaginait que, volant au-dessus des montagnes de Snaefjöll, son ami rentait chez lui. »
« Il est plus facile de croire en Dieu quand on sait qu’il n’existe pas. »
« Encore épuisée, elle était à peine parvenue à sourire en voyant Marion apparaître à la porte. Une joie presque invisible avait toutefois illuminé ses traits. »
Bonne lecture !
Le Duel
Arnaldur Indridason
Métailié
2014
309 pages
La page de l'auteur chez Métailié