23 Septembre 2013
« Il n’y a pas de hasard que des rendez-vous » Paul Eluard
Au détour d’un autre détour, perdue dans une ville qui n’est pas mienne, je suis entrée dans une cathédrale.
J’ai suivi la flamme qui brûle dans le cœur de tout lecteur : l’envie de se laisser surprendre par un nouveau monde jusque là ignoré.
J’ai caressé les couvertures, retourner les petites briques de papier pour tenter de découvrir leur pedigree.
Je les ai défloré, un peu, beaucoup ………pas du tout.
J’ai musardé, humé l’air du livre, à la recherche d’un parfum qui ferait battre mon coeur.
Soudain, la grâce : un petit livre à la quatrième de couverture outrageusement racoleuse.
On me promet un livre culte, secret, partagé par un petit nombre de lecteurs (un peu snobinards) qui se reconnaissent entre eux.
Je suis joueuse ( et snobinarde, je le confesse humblement), je plonge dans « Les saisons ».
L’amour, voyez-vous, peut vous attendre au détour d’une table de libraire.
Ce matin, en me levant, j’ignorais jusqu’à l’existence de Maurice Pons, et ce soir, je pense à lui et à notre rendez-vous dans la Vallée.
Je pense à la mère Ham, à ses lentilles, à la tête de mouton, aux douaniers, je pense à Siméon seul, rejeté, méprisé, à côté de leur monde.
Siméon, l’écrivain qui « façonne (s)es mots, avec des voyelles et des consommes qu’(il) accroche les unes aux autres, un peu à la façon du vannier. Mais avec (s)es petits paniers, (s)es corbeilles, essaye d'attraper la beauté »
Je pense à ce pays de désolation dont l’étrangeté gagne le cœur des lecteurs comme la gangrène la jambe de Siméon.
Je pense à ce pays maudit, pourri, oublié des Dieux, où 18 mois de pluie, succèdent à 40 mois de gel bleu.
Je pense à toi, Siméon, écrivain stérile, au physique repoussant.
Toi, qui pourrit depuis longtemps dans cette vallée sans issue, lynché par ceux que tu voulais extraire de leurs immondices.
Les petits paniers ont failli dans leur tâche, il n’y a avait pas de beauté dans cette vallée là.
« A qui la faute ? »
Inutile de vous ruer chez votre libraire : ce livre est indisponible.
Il ne vous reste plus qu’à être à l’heure au rendez-vous qu’il vous fixera… peut être …
Quand la saison bleue laissera la terre détrempée engloutir les corps pourris,
Mais avant que « la vermine (ne) vous mange de baisers »
Les saisons
Maurice Pons
Christian Bourgois, éditeur
1992
Disponible en format papier et numérique sur Rue des Libraires
« Écrire, c'est aligner les voyelles et les consonnes dans un certain ordre pour en faire des corbeilles de beauté »