1 Octobre 2013
Je ne rate jamais la sortie d’un nouveau roman d’ Arnaldur Indridason ! Lorsqu’il est présent, (quelquefois, il s’absente pour différentes raisons ...) son personnage récurrent, le commissaire Erlendur, vit ses enquêtes et ses propres angoisses avec passion. Quelques-unes de ses enquêtes m’ont particulièrement plu, tant par la qualité de ses personnages, que par leur rythme lent mais enveloppant ainsi que par la réflexion de son enquêteur ... toujours en mode culpabilité depuis la disparition de son petit frère. Événement marquant de son enfance !
«Le livre du roi» est d’un tout autre genre. Indridason met à profit ses connaissances et sa passion pour l’histoire en nous plongeant dans un récit où la recherche d’une Saga irlandaise (encore le thème de la disparition !), amène deux personnages à sillonner l’Europe pour retrouver un livre culte.
Septembre 1955. Valdemar, un jeune étudiant islandais débarque à Copenhague pour y entreprendre des études nordiques, voulant réaliser des travaux de recherches sur d’anciens manuscrits islandais et leur méthode de conservation. Après une délicieuse première journée dans sa nouvelle ville d’adoption, il se rend, en toute innocence, vers une rencontre qui va transformer sa vie. À l’Université de Copenhague, il rencontre son directeur d’études, un professeur bourru, au trois quarts alcoolique, qui semble avoir complètement décroché de son travail, de ses recherches.
Très vite, Valdemar apprend que, pendant la Seconde guerre mondiale, le professeur s’est fait subtiliser le fameux «Livre du roi» par les nazis ...qu’il appelle les «wagnériastes». Ce «Livre du roi» est la pierre angulaire de toute la culture islandaise. Le professeur éprouve une culpabilité terrible car, non seulement une grande partie des manuscrits des Sagas islandaises sont aux mains des Danois, mais les Allemands possèdent le Livre des Livres. Par sa faute ! parce qu’il l’a mal protégé!
À son corps défendant, le jeune étudiant est entrainé dans une chasse au livre à travers l’Europe. Plus rat de bibliothèque qu’Indiana Jones, Valdemar se fait balader de bibliothèques en librairies, rencontre des collectionneurs et des vendeurs, voyage en train ou en bateau, fouille dans les coins les plus noirs, toujours à la recherche de ce Saint-Graal littéraire. Rêvant de reprendre ses études, s’ennuyant de ces longues journées à lire dans le silence des bibliothèques universitaires, il se trouve pris dans cet enfer où s’accumulent vols, bagarres, mensonges, crimes et meurtres. Imaginant mal troquer ces superbes manuscrits pour jouer du pistolet dans des villes allemandes, il se retrouve au coeur de l’action, dans des aventures dangereuses, au milieu de truands qui n’ont que faire de la culture ...sauf pour le prix qu’ils peuvent en tirer.
L’histoire est bonne et elle est bien racontée. Je dois toutefois avouer que cela m’a pris quelque temps à «entrer» dans l’histoire, en grande partie à des manques de référents culturels et aux nombreux noms islandais difficiles à «digérer. Habitué au «rythme Indridason», je ne m’attendais pas à un roman aux multiples revirements, truffé d’actions et de rebondissements. À une ou deux occasions, j’ai ressenti un essoufflement dans le développement du récit, comme une répétition.
Mais Indridason demeure un excellent conteur et il maitrise parfaitement l’art de nous partager les réflexions de ses personnages, de nous faire connaitre leurs pensées les plus noires et surtout, de nous partager cette impression de vide que nous laisse la disparition de quelqu’un ou de quelque chose.
Pour le plaisir que j’ai retiré à la lecture de ce roman, j’ai l’impression d’avoir passé un bon moment, de m’être imprégné d’une culture totalement différente, de mieux connaître, maintenant, un passage important de l’histoire de l’Europe du Nord et surtout, d’avoir découvert deux personnages qui m’ont charmé par leurs travers et leurs passions. Deux personnages riches et complexes, deux personnages capables de vous étonner tout en restant dans les limites du possible et du vraisemblable.
Est-ce que je vous recommande ce roman d’Indridason ? Pour les amateurs de l’écrivain, oui, tout à fait. Pour les amateurs de romans historiques, oui, sûrement. Pour les amateurs de romans policiers, de romans procéduraux, je vous le suggère avec certains bémols. Si vous êtes prêt à apprécier un roman érudit, avec une trame qui s’installe lentement, Indridason et son «Le livre du roi» pourrait vous séduire.
Et finalement, si vous êtes un amoureux, que dis-je, un passionné des livres, voici un roman qui devrait vous plaire.
Quelques extraits:
«Je me faisais l’effet d’une brindille de bouleau au beau milieu d’un incendie de forêt.»
«J’aurais dû les laisser m’arracher le coeur et me moquer d’eux plutôt que de céder, dit-il à voix si basse que c’est à peine si je l’entendis.»
«Il ne faut pas que tu penses à la mort. Elle viendra assez tôt. Même pour un vieux barbon comme moi qui ai eu une longue vie. En un clin d’oeil, te voilà parti, décédé, trépassé. Le monde suit son cours...
Tu es jeune et je sais que tu penses que ça n’arrivera jamais, mais je peux te dire que la mort survient en un instant, même si tu es heureux d’avoir atteint un grand âge.»
Bonne lecture !
Le livre du roi
Arnaldur Indridason
Métailié
2013
356 pages
La page de l'éditeur
Présentation du roman par son éditrice, Anne-Marie Métailié