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9 Mai 2013
«La peur est avec elle. Incrustée dans ses chairs à vif. Elle coule dans ses veines, bat dans ses tempes, mouille son front et ses mains. Elle vit là, en elle.
Depuis bien longtemps."
Thriller ? Vous avez dit thriller ? Et bien en voici un. Et un bon. Efficace, prenant, un tourne-pages hallucinant, le genre de roman qui vous tient réveillé toute la nuit, incapable de le lâcher, voulant toujours savoir ce qui va se passer dans le prochain chapitre. Et comme ils sont courts et bien construits ... la question qu’on se pose continuellement ... «Pourquoi pas un autre ??».
«Juste un Ombre» se chauffe de ce bois-là ! L’auteure amorce son récit, commence dès les premières pages à tisser sa toile maléfique et sans vous en rendre compte, elle vous a embobiné dans un tourbillon de revirements, d’indices laissés sans aucun hasard, judicieusement placés pour vous rendre la tâche plus difficile mais la lecture plus agréable. Et habituellement, comme dans tout bon roman à suspense, le lecteur se laisse prendre au jeu, dialogue mentalement avec l’auteur et apprécie les pièges qu’elle nous tend, en toute complicité.
Inutile de vous dire que j’ai aimé «Juste une Ombre». Je l’ai aimé pour ce que la maison d’édition annonce, pour ce que l’auteure nous offre, un excellent suspense, un thriller bien ficelé.
L’histoire est quand même relativement simple, le thème souvent utilisé mais les trois personnages décrits pas Karine Giebel font toute la force de ce roman.
Cloé Beauchamp, femme forte, ambitieuse et compétente. Elle oeuvre dans une entreprise de publicité. Elle est la meilleure et elle le sait. Tout le monde le sait. Son ambition transcende tout: sa vie personnelle, ses collègues de travail, même ses propres valeurs. Le poste de présidente, elle le veut, elle en rêve et elle fera tout pour l’obtenir. Les pires bassesses, les meilleurs coups.
Alexandre Gomez est un policier matamore, craint de tous, supporté par sa hiérarchie même s’il prend parfois des raccourcis pas très moraux. Comme Cloé, il est prêt à tout, même à l’illégalité, pour arriver à ses fins, mettre les méchants derrière les barreaux ... ou même les éliminer. Pourquoi pas ? Mais dès qu’il pousse la porte de son appartement, il devient le mari aimant, doux, aidant qui soigne avec affection et amour, sa femme, en phase terminale de cancer. Le policier démoniaque se transforme en ange protecteur, tout en nuances d’amour et de compassion.
Puis ce troisième personnage, «Juste une ombre» ! Et le mot «juste» prend ici un drôle de sens, une place tellement grande que même vous, cher lecteur, vous irez sonder votre porte d’entrée pour voir si elle est bien fermée. Barrée ! Cette ombre assombrit sardoniquement la vie de Cloé. La belle ambitieuse que rien n’arrêtait, la femme sûre d’elle et de ses moyens, elle les perd tous devant cette ombre qui la suit, la poursuit et la harcèle. Mais, pour son plus grand malheur, elle est la seule à la voir; personne d’autre ne croit à son histoire.
Cloé sombre alors dans un tourbillon de folie, à mi-chemin entre le cauchemar éveillé et l’imagination délirante; elle perd tous ses repères. La femme forte, invincible, devient un oiseau blessé, victime et sur le bord du précipice de la folie. Elle est seule ... ou presque.
Malgré tout, Cloé vient chercher la sympathie du lecteur ! On arrive à l’aimer, à la comprendre, un peu par sympathie, beaucoup par pitié. Mais le personnage phare de ce roman, à part l’ombre, bien sûr, demeure Alexandre, le policier sans scrupule qui viendra mettre ses «talents» à découvrir la réalité, ce qui se passe de l’autre côté de la caverne aux ombres.
Il est vrai que le thème de la proie surveillée, harcelée qui glisse inexorablement vers la folie a souvent été exploité; cependant Karine Giebel réussit à nous happer par cette histoire toute en nuances, où tout se devine, où tout se joue en demi-teintes. Pas de sang, pas de violence, juste une impression qui passe, une ombre sur les murs d’une caverne où le principal acteur se sentirait attiré dans les profondeurs du rocher. Pour tomber dans une démence diabolique où il est seul à comprendre ce qui se passe réellement. L’ombre est-elle réelle ? Vient-elle de son cerveau ? Ou encore de son passé, d’une certaine journée où tout s’est écroulé ?
J’ai lu tous les livres de Karine Giebel et j’attends son prochain (qui sort aujourd’hui en France ...) avec beaucoup de plaisir. J’aime beaucoup ce genre de roman qui nous accroche et ne nous laisse aucun repos. J’apprécie aussi l’écriture de cette auteure; efficace, ciselée, elle nous emporte comme une feuille sur le courant d’une rivière au printemps. On se sent un peu bousculé, pris dans un tourbillon, parfois submergé dans un bouillonnement passager mais toujours, on est assuré de se rendre au bout du voyage en toute plénitude littéraire. Karine Giebel est fidèle à son style d’écrivaine de thrillers, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs, fidèles. Et ils sont nombreux !
Information importante: Karine Giebel sera présente aux Printemps meurtriers de Knowlton du 17 au 19 mai prochain. Elle participera à une table ronde avec André Jacques et Mario Bolduc, le samedi; le dimanche, elle sera à la table ronde internationale avec R.J. Ellory, Jacques Saussey et Jean-Jacques Pelletier. Cette table internationale sera animée par Chrystine Brouillet.
C’est un rendez-vous ! Apportez vos livres ou venez vous en procurer à la librairie du Festival; tous les auteurs feront des séances de dédicace après les activités.
http://lesprintempsmeurtriers.com/francais/programme.html
Bonne lecture !
Juste une ombre
Karine Giebel
Fleuve noir
Thriller
2012
502 pages
«Cloé essaie de faire barrage à la confusion qui s’installe dans sa tête. Ça empire, heure après heure. Elle ne sait pas ce qui l’effraie le plus: être victime d’hallucinations ou réellement poursuivie par un inconnu.»
«La mort n’est pas une fille facile. Elle se refuse à ceux qui la veulent, se donne à ceux qui la repoussent.»
Le site officiel de Karine GIEBEL
Karine Giébel est née en 1971 dans le Var, ou elle vit toujours. Son premier roman, Terminus Elicius (Editions la Vie du rail, 2004) reçoit le Prix Marseillais du Polar en 2005. Suivront Meurtre...
http://www.fleuvenoir.fr/site/site_de_karine_giebel&3000&23013.html